Un enfant métis au japon se fait appeler « half », en anglais dans le texte, ouvertement, et ça ne choque personne d’ailleurs. Le fait que ce soit de l’anglais est sans doutes moins dur, moins difficile à placer, plus cool que de qualifier ce gamin si « kawaii » l’instant d’avant de « moitié » dans la langue locale. Moitié de quoi d’ailleurs, moitié français, forcement pas tout à fait japonais, demi on ne sait trop quoi, mais, quoi qu’il en soit, pour les japonais, un métis n’est pas complet.
Lorsqu’on est entré avec ma petite famille au Japon, il y a un peu plus d’un an, on avait fait le contrôle d’identité ensemble. Ensemble, ça reste logique pour une famille. Une loi qui doit entrer en application prochainement, va changer un peu la situation. Désormais, dans la famille, Papa, doit donner ses empreintes, et pour rentrer à la maison, il passe à droite, Maman, passe dans la file de gauche, et le petit… le petit, il est « half »… partagé, la file du milieu n’a pas été prévue, de toutes façon, lui, il compte qu’à moitié.
Alors, bien sûr, laisser ses empreintes à l’aéroport ce n’est pas douloureux, ça pique pas les doigts, c’est même pas sale, aujourd’hui, avec la technologie, même plus besoin d’encre, on peut même parler de progrès. Même pas très grave. Et puis, ses empreintes, quoi qu’on fasse, on les laisse partout, tout le temps, alors on se demande bien quelle mouche les a piqué, tous, pour qu’ils cherchent tellement à se les garder pour eux leurs empreintes (il eût été un temps quand même où on parlait de présomption d’innocence)…
D’autant, qu’une croyance populaire, largement répandue, tellement répandue qu’elle a menée au pouvoir un président aux USA, un président en France, et sans doute d’autres ailleurs, voudrait nous faire croire que la technologie et le flicage nous mènera aux portes de la société idéale, sécuritaire, cloisonnée, froide. Un monde merveilleux, où sont interdit les biberons dans les avions, et où dans les démocraties, les étudiants qui posent des questions poil-à-gratter se font molester au pistolet électrique sous les rires de ses camarades.
C’est le moment, les esprits sont prêts.
Alors pourquoi eux, une minorité parmi les minoritaires, là, avec leurs demis enfants, leur vie à cheval entre deux pays, eux qui ne sont même pas des terroristes, qui cherchent à s’intégrer, pas faire trop de vague, et qui ont la conscience tranquille des honnêtes gens, pourquoi eux, et une poignée d’autres, agitent vainement les bras contre cette technologie que le monde entier est en train de déployer ?
Technologie en version béta, les évolutions suivront, avec mises à jour automatiques, autoritaires, comme il se doit lorsqu’il est question de sécurité. Aujourd’hui les empreintes, demain les gènes, ça offre tellement d’autres possibilités d’interprétation, les gènes, après demain la numérologie ; à bijection, bijection et demie, après tout, Science est Vérité, quand on y croit. Vérité partagée, les bases de données de mes amis sont mes amies. Et Vérité au long cours, conservation « à vie », perpétuité annoncée pour vos empreintes prises même pour un passage éclair sur le territoire Nippon.
Bien sûr des fuites, des usages non annoncés, des changements de politiques régionales, ne sont que de l’ordre de la fiction, bientôt on nous reparlera de 1984, et quand on pense que c’était il y a 23 ans, et que c’était même pas pour de vrai, il n’y a pas de raisons de s’alarmer.
Non, vraiment les empreintes, ce n’est sans doute pas nécessaire, si encore on était sûr que ce soit efficace, mais là… on a quand même l’impression que ça sert un tout autre objectif.
Il y a une pétition que je vous invite à signer, une goutte d’eau peut-être, mais, ça apporte un peu de fraîcheur les gouttes d’eau.
Edit : Et les gouttes d’eau, ça fait aussi un (tout petit) peu avancer les choses.
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