Bon, mais alors, ça donne quoi ?

J’ai aujourd’hui eu l’honneur, car c’en est un ici, de pouvoir assister à ma première échographie nippone. Ici, il ne suffit pas d’accompagner votre épouse à la maternité pour espérer apercevoir les battements du cœur de votre enfant sur l’écran noir et blanc de l’échographie…

En fait je m’étais déjà rendu à la maternité à deux reprises. La première fois, je me suis trouvé tellement seul en ce monde exclusivement féminin que je n’ai pas eu le cran de m’avancer plus loin que la salle d’attente. On a parfois des réactions qui nous font nous en vouloir, aussi, la fois suivante, j’étais bien décidé à franchir le pas. Ce que j’ai fait, mais lorsque mon épouse s’est enquise de savoir si je pouvais participer, on m’a laissé sur le pas de la porte. Bien sûr, on ne m’a pas dit « non », tout juste un « c’est à dire que… » à la japonaise qui fait encore plus rager son homme qu’un « non » franc et argumenté à la française. C’est que le papa ici est censé trimer, on ne s’attend pas à ce qu’il s’intéresse au ventre rondissant de son épouse. Un clou qui dépasse…

Il y a eu aussi cette session du samedi après midi, en couple, session obligatoire pour le papa si il veut pouvoir être présent le jour de l’accouchement. Cinq couples, assis à de petites tables de classe, les femmes près de l’allée centrale, les hommes sur les bords. Session test pour les apprenties sages-femmes, l’instructrice est dans le fond de la salle, chronomètre sur les genoux, prend des notes, et relève chaque bafouillement des élèves stressées.

Vraiment l’art oratoire répond ici à de tout autres codes ; c’est pas l’Italie ! Les sages-femmes, en blouses, raides comme des piquets, bras collés le long du corps, mains à plat, immobiles, sans laisser paraître la moindre émotion surtout, ça pourrait détourner l’attention peut-être, ou la fixer, c’est selon.

Les présentations sont faites, courbettes sur la scène, courbettes en réponse dans la salle, une seule des sage-femmes reste et entame à l’heure précise un discours appris intégralement par-cœur. Il durera 30 minutes, exactement. On nous parle des mois, des poids et des tailles, de comment se lever quand on est couché et qu’on est une femme enceinte, de comment passer l’aspirateur et qu’on est une femme enceinte, de comment porter des objets lourds et qu’on est une femme enceinte, et un des papa appelé au hasard parmi les cinq présents a le droit de faire la démo d’un costume de simulation de femme enceinte, sorte de corset avec poitrine proéminente et sac de plomb au niveau du ventre :

– si je pose le crayon par terre, pouvez-vous le voir ?
– non
– est-ce que c’est lourd ?
– oui
– vous pouvez vous rasseoir.

Le second exposé durera 17 minutes, toujours de par-cœur déclamé sur un ton égal, et traite des aspects pratiques, le numéro de l’hôpital, l’entrée de nuit, le surcoût en cas d’accouchement nocturne, le trousseau à préparer, et la fréquence des contractions avant d’appeler le taxi.

De temps en temps, une stagiaire trébuche sur un mot et présente ses excuses invariablement d’un « shitsureishimashita », lance un coup d’œil au fond de la salle, pour reprendre la phrase à son début, levant alors les yeux au plafond pour y chercher sa mémoire, en martelant bien chacun des mots qui l’avait induit en erreur.

Et puis, il y a un goûter, avec des échantillons, boissons et gâteaux énergisants, issus de l’industrie agro-alimentaire probablement sponsor d’une manière ou d’une autre de ce genre de regroupements. Table ronde, présentation rapide faites par les mamans, petite question a chacun des papas, on n’attend pas à ce que quiconque développe un thème, quelques mots sont lâchés avant de prendre une pause.

Après la pause, nouvel exposé de 13 minutes, avec séance vidéo sur l’accouchement. On y voit une femme très zen, en train d’accoucher, sans douleur, grâce à la sophrologie. C’est d’ailleurs au moment où ce mot est lâché que pour la première fois on peut voir briller une petite étincelle dans le regard de la sage-femme.

Cette session était en fait l’introduction à la suivante, la plus longue de toutes, 40 minutes ; pour celle là on a enlevé les tables, et tout le monde est assis par terre (on aime ça au Japon). 40 minutes d’exercices et de discours toujours minuté sur la sophrologie et l' »image training », en anglais dans le texte. Les exercices se font en musique, sur une sorte de truc de relaxation : un arpège joué en boucle pendant des heures à tempo lent sur des nappes synthétiques et sur fond de percussions ethniques sous-mixées, comme lointaines, vous voyez le genre ? On en trouve dans certains magasins en France aussi, la plupart du temps à côté des bâtons d’encens, des jardins zen de tables, ou des bambous tournicotant en vase.

Après ces étirements, et la remise d’un petit questionnaire de satisfaction, on nous fera visiter l’hôpital, le coin maternité qui partage ses chambres avec la gérontologie, l’hôpital est vieux, vieillissant, a mal vieilli, on ne sait trop dire, c’est pas très sexy, ça change de la clinique Jules Verne. On sera sans doutes heureux de se retrouver à la maison cette fois ci…

Pour en revenir à aujourd’hui, j’ai donc pu assister à cette échographie, qui en soi n’a rien de particulier, le matériel est le même qu’en France, il vient d’ailleurs du Japon. La seule différence avec la France, c’est que c’est à vous de venir avec votre serviette pour vous essuyer le ventre du gel dont on barbouille la sonde, l’hôpital n’offre pas ce genre de service.

Aujourd’hui, on sait donc si ce sera un chti Ghismo ou une chtite Ghismette, mais on vous le dira pas !

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8 commentaires :

  1. Dalida dit :

    Tout ceci fait très protocolaire… C’en est presque flippant. Heureusement que tu as déjà connu une paternité ! En tous cas, cette photo est excellente. Tu devais être tout fou d’avoir une telle poitrine ;o)

  2. Simon dit :

    Merci pour ce billet,je vais passer la même étape d’ici quelques jours,hehe.

  3. Julien dit :

    Ça te va à ravir :)À l’époque, j’avais séché les cours (je sais, c’est pas bien)… Après ta description, je me dis que je n’ai pas grand chose à regretter (mais j’avais tout lu Florence Pernoud pour me rattraper).Il ou elle arrive quand, petit Ghismo ou Ghismette ?

  4. LovefromTokyo dit :

    Ah pour nous c’est dans 2 semaines… Cool cool. Dis donc, à combien de temps se fait la premiere echographie au Japon, car en France c’est à 3 mois ?+ j’avais lu dans un magazine des expats francais au Japon qui racontait leur experience de l’accouchement au Japon en maison de naissance. Pour le coup, ça faisait un peu moins peur que ton recit. En tt cas, très joli ventre …

  5. jess dit :

    KRO MEUGNON !!! :)excellente photo en tout cas ! (récit aussi)Je parie de mon coté sur une chtite ghismette / Yukette.

  6. Ghismo dit :

    Dalida, oui, la nuit parfois, je la revois en rêves, avec un soutif rose à fleurs. Mais des petits oiseaux, viennent me l’enlever. En général, c’est à ce moment que je me réveille en sueur :)Simon, bon courage, faudra pas hésiter à enrichir ce témoignage du tiens :)Julien, merci, en France aussi j’avais fais les séances de préparation, c’était assez cool, les sages-femmes étaient des soixante-huitardes sur le retour, pro méthode naturelle, yoga, etc… on se marrait bien ! Et c’est pour le début d’année prochaine, pour les étrennes :)LoveFromTokyo, oui, je précise que je ne prétend pas faire de journalisme mais que je relate ma seule expérience personnelle. J’ai des amis ici qui étaient très satisfait des services qu’ils ont reçus. Jess, tu paries quoi ? 🙂

  7. Thomas dit :

    Tu n’as pas l’air enceinte du tout. On dirait que tu as la tête d’Homer Simpson qui te sort du ventre !!!

  8. Ghismo dit :

    oui, il faut dire aussi que nous les hommes, on a plus de prédispositions à s’imaginer avec un ventre de bière qu’enceinte

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