Bugs de vote

Je découvrais juste avant le premier tour que quelques 82 maires en France avaient décidés d’autorité de faire voter leurs administrés sur des ordinateurs de vote. Dans le principe, ce n’est pas tolérable, qui accepterait de voir les urnes se faire dérober à la fin du scrutin pour qu’on les fasses dépouiller dans le plus grand secret par une entreprise privée ? Aujourd’hui, j’ai du mal à me retenir de revenir sur ce qui s’est passé dans la pratique… C’est tellement… tellement…

Désolé, je ressers donc le couvert sur le sujet, mais je pensais au moins que les ordinateurs de vote seraient – au minimum – fiables et exempts de bugs flagrants…

D’après le conseil constitutionnel (que je cite en italique à suivre), rien, il ne s’est rien passé de remarquable, on ne peut pas faire de lien entre les retards constatés, les incompréhensions, la défiance de certains administrés et le mode de scrutin électronique. Mais que quand même, étant donné le « climat de psychose« , que « l’usage des machines à voter n’est pas psychologiquement accepté, à tort ou à raison« , « le plus sage serait sans doute (…) d’y renoncer provisoirement« . Ce qu’ont fait au lendemain du scrutin un certain nombre de communes, mais les autres ?

Pourtant, même en n’étant pas en France, filtrent quand même quelques informations pour le moins délirantes sur ce qui s’est passé dans les communes lors de ce scrutin.

Un assesseur (je précise qu’il est partisan de l’abandon des ordinateurs de vote, mais ça n’enlève rien aux faits relevés) d’un bureau de vote à Issy-les-Moulineaux retrace une journée de vote bien particulière, une machine à voter pleine de bugs, erreurs de traductions, plantages, écrans blancs, votes acceptés sans bip, et pour finir sur une erreur de comptage, le nombre de vote comptabilisé par l’ordinateur ne correspondant pas à celui des signatures sur le registre. Un vote de trop dans l’ordinateur, on ose espérer qu’il s’agit d’un électeur parti sans signer dans le chaos ambiant et pas une « fantaisie » de la machine…

Le vote n’a pas été annulé (ç’aurait été délicat de demander à ceux qui ont passés 2h en plein cagnard de revenir pour un tour), mais le président s’est basé sur une « jurisprudence indiquant qu’en cas d’écart le chiffre le plus faible est retenu et la différence de voix est retirée au candidat en tête« … Jurisprudence qui n’est pas si délirante dans le cas d’un vote papier, on peut difficilement imaginer que tous les bulletins soient fantaisistes. Mais quand une machine se trompe sur un total… quel bug a pu rendre une simple addition défectueuse, et ce bug aurait quels autres effets…

Autre témoignage lu sur un forum suffisament précis pour lui porter du crédit et qui synthétise d’autres témoignages lus par ailleurs : à Courbevoie, 1500 inscrits, 1 machine, 1 minutes nécessaire par votant (et pas question de réflechir à son choix au dernier moment). Petit calcul, il faut… oui, 25h dans le meilleur des cas pour laisser voter tout le monde… Oui, mais les bureaux des votes ne sont en théorie ouverts que 12h. Au mieux, moins de la moitié des inscrits étaient souhaités aux urnes…

Demicratie ?

Seulement voilà, à 4000€ l’unité, on comprend que certains maires hésitent à investir dans plusieurs machines… La loi précise pourtant qu’il faut 1 isoloir pour 300 inscrits, à Courbevoie, il aurait du y avoir 5 isoloirs (à 400 €) à la place d’une seule machine (et quand on voit la bête en photo, on se demande ce qui coûte aussi cher… Le logiciel plein de bugs ? Le coffret en plastique-que-j’ai-le-même-sur-ma- perceuse-sans-fil ? Ah oui, c’est vrai, il y a un « bip de secours », on comprend mieux… 2000€ par bip, on pourrait désosser des mobylettes, non ?).

Et quid de l’accessibilité de ces machines ? Quand on lit aussi des témoignages de personnes handicapées obligées de se faire accompagner pour voter du fait de l’absence de reflexion sur l’ergonomie de l’isoloir électonique, et puis il y a ceux qu’un écran impressionne, vous n’en connaissez pas autour de vous ??

Revenons maintenant sur les objectifs du conseil constitutionnel qui rappelait à la veille du scrutin que ce n’est pas sale (la loi date de 69) et qu’on pouvait avoir confiance (vous vous souvenez de la marionette de Mégret aux Guignols ?) :

  • « un objectif économique et matériel : réduire les coûts d’organisation des élections et accélérer le dépouillement des résultats le soir du scrutin.
  • un objectif environnemental : supprimer les bulletins en papier.
  • un objectif citoyen : permettre un accès plus aisé aux opérations de vote pour les personnes handicapées. »

En quoi l’ordinateur de vote offre de réponse à un de ces points, le second tout au plus*, mais à quel prix… Accélérer le dépouillement et faire attendre les votants jusque 2h sous le soleil ; réduire les côuts de l’organisation en empéchant la moitié des votants de parvenir jusqu’à à l’urne ou en fermant les bureaux de vote plus de 2h30 après la fermeture officielle ; supprimer les bulletins papiers, ainsi que toutes les possibilités de recomptage, et admettre les erreurs de la machine parce qu’on ne peut pas faire autrement ; permettre un accès encore plus restreint aux personnes handicapées… et faire confiance à des sociétés privées qui acceptent les dons des partis**

* Et si après le tout papier on se rendait compte que le tout électrique c’est pas si top non plus…
** Cette vidéo porte sur une société américaine DieBold. Certaines mairies ont fait le choix de ES&S pour ses machines à voter, ES&S qui n’est pas connu pour sa grande fiabilité

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Ordinateurs de vote

Demain, je vais voter contre qui vous savez au consulat d’Osaka. Et j’espère bien qu’on aura le plaisir de glisser un petit bulletin papier dans une enveloppe papier elle même glissée dans une urne transparente et comptabilisés ensuite sous le contrôle de n’importe quel citoyen qui souhaiterait y participer. A l’ancienne, quoi.

Je viens en fait de découvrir (c’est un peu tard…) que le phénomène « ordinateur de vote » était par endroits à la mode en France aussi… j’avais lu beaucoup sur les aberrations du système aux états unis mais je n’imaginais pas que des maires en France puisses s’être fait berner par les sirènes progressistes.

Vous le savez, je suis informaticien, et en général, je suis assez pro-progrès, me projeter dans un monde électronique me séduit plutôt. Oui, mais, parfois, je pense quand même qu’il faut un peu réfléchir et se documenter avant d’agir.

Les promoteurs des ordinateurs de vote (en fait, un des maires) avancent comme argument ultime : « le principal avantage d’une machine à voter, c’est le dépouillement, c’est le fait qu’on ne mettra que quelques minutes à dépouiller et avoir le résultat d’un bureau de vote » (on peut déboucher le champagne plus tôt). La belle affaire !

Car pour ces quelques minutes de stress et d’attente en moins pour les candidats, on perd quand même un élément essentiel : la transparence. Qui me dit quand je vote sur un écran informatique, que mon vote est pris en compte, pris en compte sans erreur, sans laisser des mouchards qui permettraient à quiconque aurait accès à la machine de connaître la nature de mon vote, et paradoxalement, que mon vote puisse être vérifiable (car oui, ça pose quelques questions ces deux contraintes opposées : vote vérifiable et secret).

Certes, il n’y a pas de sécurité absolue, nulle part, mais au moins avec les petits bulletins, on peut voir de nos yeux de citoyen lambda les choses se dérouler. Pour de vrai. J’aurai beau regarder de près l’ordinateur de vote, que je n’aurai la certitude de rien. Et si je voulais pour me rassurer, regarder de plus près le code source de la machine, on me le refuserait, c’est « un secret industriel » de même d’ailleurs que le sont les documents de l’agrémenteur (et dans agrémenteur, il y a agré). Pire encore, la loi française « n’impose pas d’analyse du logiciel, ni de mécanisme pour vérifier que les ordinateurs soient intègres, ni bien sûr de “trace papier” » (cf. ce document).

Et qu’on ne viennes pas non plus me dire, que c’est le progrès, qu’on n’y peut rien, qu’il faut vivre avec son temps, etc… Car enfin, en se reposant sur de vieilles technologies éprouvées, de bonnes cartes perforées par exemple (souvenez vous de votre passage au permis de conduire), ça se compte le temps de le dire par des machines simples, peu onéreuses et avec une vérifiabilité à l’égal de nos bons vieux bulletins de vote papier. Et si on pense que c’est complexe de faire perforer des cartes par les électeurs, alors il suffit de faire perforer les bulletins de vote par l’imprimeur, en braille par exemple…

Qu’on modernise le vote, oui, mais, à l’aide d’une boite noire, noire opaque, non.

Bon, et puis qui a été consulté (je parle des électeurs, pas des vendeurs) sur le sujet ? Y a-t-il eu débat, discussion, envies exprimées de la part des électeurs ? Toujours est-il que si votre bureau de vote est équipé d’ordinateurs de vote, vous ne pourrez même pas faire la demande de voter à l’ancienne, protester aussi est mal venu, ça pourrait constituer « soit d’un trouble à l’ordre publique (délit), soit de manoeuvres perturbant l’accès ou la circulation à proximité du bureau de vote (à la première appréciation du président du bureau) ».

Drôle de progrès…

Plus d’info sur ordinateurs-de-vote.org

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