Ordinateurs de vote

Demain, je vais voter contre qui vous savez au consulat d’Osaka. Et j’espère bien qu’on aura le plaisir de glisser un petit bulletin papier dans une enveloppe papier elle même glissée dans une urne transparente et comptabilisés ensuite sous le contrôle de n’importe quel citoyen qui souhaiterait y participer. A l’ancienne, quoi.

Je viens en fait de découvrir (c’est un peu tard…) que le phénomène « ordinateur de vote » était par endroits à la mode en France aussi… j’avais lu beaucoup sur les aberrations du système aux états unis mais je n’imaginais pas que des maires en France puisses s’être fait berner par les sirènes progressistes.

Vous le savez, je suis informaticien, et en général, je suis assez pro-progrès, me projeter dans un monde électronique me séduit plutôt. Oui, mais, parfois, je pense quand même qu’il faut un peu réfléchir et se documenter avant d’agir.

Les promoteurs des ordinateurs de vote (en fait, un des maires) avancent comme argument ultime : « le principal avantage d’une machine à voter, c’est le dépouillement, c’est le fait qu’on ne mettra que quelques minutes à dépouiller et avoir le résultat d’un bureau de vote » (on peut déboucher le champagne plus tôt). La belle affaire !

Car pour ces quelques minutes de stress et d’attente en moins pour les candidats, on perd quand même un élément essentiel : la transparence. Qui me dit quand je vote sur un écran informatique, que mon vote est pris en compte, pris en compte sans erreur, sans laisser des mouchards qui permettraient à quiconque aurait accès à la machine de connaître la nature de mon vote, et paradoxalement, que mon vote puisse être vérifiable (car oui, ça pose quelques questions ces deux contraintes opposées : vote vérifiable et secret).

Certes, il n’y a pas de sécurité absolue, nulle part, mais au moins avec les petits bulletins, on peut voir de nos yeux de citoyen lambda les choses se dérouler. Pour de vrai. J’aurai beau regarder de près l’ordinateur de vote, que je n’aurai la certitude de rien. Et si je voulais pour me rassurer, regarder de plus près le code source de la machine, on me le refuserait, c’est « un secret industriel » de même d’ailleurs que le sont les documents de l’agrémenteur (et dans agrémenteur, il y a agré). Pire encore, la loi française « n’impose pas d’analyse du logiciel, ni de mécanisme pour vérifier que les ordinateurs soient intègres, ni bien sûr de “trace papier” » (cf. ce document).

Et qu’on ne viennes pas non plus me dire, que c’est le progrès, qu’on n’y peut rien, qu’il faut vivre avec son temps, etc… Car enfin, en se reposant sur de vieilles technologies éprouvées, de bonnes cartes perforées par exemple (souvenez vous de votre passage au permis de conduire), ça se compte le temps de le dire par des machines simples, peu onéreuses et avec une vérifiabilité à l’égal de nos bons vieux bulletins de vote papier. Et si on pense que c’est complexe de faire perforer des cartes par les électeurs, alors il suffit de faire perforer les bulletins de vote par l’imprimeur, en braille par exemple…

Qu’on modernise le vote, oui, mais, à l’aide d’une boite noire, noire opaque, non.

Bon, et puis qui a été consulté (je parle des électeurs, pas des vendeurs) sur le sujet ? Y a-t-il eu débat, discussion, envies exprimées de la part des électeurs ? Toujours est-il que si votre bureau de vote est équipé d’ordinateurs de vote, vous ne pourrez même pas faire la demande de voter à l’ancienne, protester aussi est mal venu, ça pourrait constituer « soit d’un trouble à l’ordre publique (délit), soit de manoeuvres perturbant l’accès ou la circulation à proximité du bureau de vote (à la première appréciation du président du bureau) ».

Drôle de progrès…

Plus d’info sur ordinateurs-de-vote.org

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11 commentaires :

  1. jess dit :

    C’est clair c’est un bon argument contre le vote électronique. Je connais aussi le monde informatique (moins qu’un dév c’est évident) mais suffisament pour savoir que le vote électronique n’est, pour moi, pas tout a fait fiable. J’ai toujours un doute. Maintenant, par papier on a aussi de droles de surprises. Par ex mon vote avait été annulé au second tour 2002 parceque je n’avais pas pris les 2 papiers des candidats avant d’aller dans l’isoloir. arf enfin bon, votez tous ca va être assez important !et méfiez vous de la désinformation http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=22454

  2. Ghismo dit :

    Plus que la fiabilité, on peut espérer que ces machines le soit, c’est le manque de transparence et le fait que personne d’autre que la société qui fabrique ces machines n’ait un droit de regard sur ce qui se passe à l’intérieur.Et méfiez vous d’Agoravox :))

  3. David -M- dit :

    Alors là, je suis 100% d’accord avec ton post. Surtout qu’il a été prouvé plusieurs fois que ces machines ne sont pas suffisamment sécurisées…

  4. Thai Radio dit :

    >> »avancent comme argument ultime : « le principal avantage d’une machine à voter, c’est le dépouillement, c’est le fait qu’on ne mettra que quelques minutes à dépouiller et avoir le résultat d’un bureau de vote » « C’est vrai que c’est pratique d’avoir les résultats rapidement.Ce qui pousse l’adoption des machines à voter électronique, c’est la rationalisation des coûts.Organiser une session de vote et son dépouillement exige du personnel que les mairies doivent rémunérer. Les machines électroniques demandent un investissement de départ conséquent mais sont ‘amorties’ au bout d’un ou deux ans. En France, je fais confiance aux forces démocratiques pour détecter une éventuelle ’embrouille’ électronique.

  5. Maxime dit :

    Etonnant de voter contre qq1 et de ne pas voter avant tout pour ses convictions!

  6. Ghismo dit :

    thai radio < la question n'est pas vraiment de savoir si il y a ou non embrouille, mais c'est le fait qu'on n'a aucun moyen de vérifier qu'il y aurait eu embrouille. Que dirait-on si l'urne était embarquée à la fin du scrutin pour être dépouillée de façon secrète par une entreprise prive ? La situation est celle là avec les machines à voter.Maxime < Où est l'incohérence quand l'homme réprésente tout ce que tu ne veux pas, dans son style comme dans son propos ?

  7. maxime dit :

    Dans ce cas là aucun des autres candidats ne t’interesse. J’ai déjà voté contre un candidat au 2eme tour en 2002 mais là j’avais pas le choix.J’espère que c’est de JMLP que tu parles..!

  8. Ghismo dit :

    Pourquoi aucun autre des candidats ne m’interesserait ? J’ai du vraiment mal m’exprimer pour laisser penser ça. Je précise que le sujet du billet n’était pas de faire savoir pour qui j’allais voter, mais de parler de (et faire du buzz sur) ce qui me parait être une dérive inquiétante des procédures de vote en France. Si je parlais en intro au billet de « voter contre qui vous savez », c’était précisément pour ne pas divulguer ici précisément mes intentions de vote, sauf à donner peut-être quelques indices et faire référence à une bannière affichée sur ce blog depuis… fort longtemps (bannière que j’ai affichée, parce que je l’avais vu un jour sur une voiture à Nantes, que ça m’avais fait marrer, et que j’étais retombé dessus sur le web par hasard, je ne partage pas forcement toutes les idées du groupe qui l’a créé, mais je trouve le visuel bien fait). Bref. « Voter contre qui vous savez », ça ne ciblait pas forcement un seul candidat (au pluriel ça marche aussi). Mais à l’inverse, j’ai quand même su trouver quelques candidats pour qui voter me paraissait être un acte sincère.Parler de mon choix de vive voix ne me pose pas de problème, je trouve ça plutôt constructif mais le dire sur mon blog ne m’interesse pas, justement parce que les possibilités de dialogues ne sont pas le même sur un blog qu’en direct.Bon, mais dans les « voter contre », oui, il y a bien sur ce candidat dont tu parles…

  9. Maxime dit :

    ok ok ok ^^’Je ne souhaite pas savoir contre qui heuu… pour qui tu votes ;D !!! tu as raison en disant que ton blog n’est pas la bonne tribune pour l’exposer. D’ailleurs chacun est libre ou pas d’afficher ses convictions.Ce qui me choque en fait et ce que m’a laissé penser ton article (et la bannière dont tu parles) c’est qu’il y a une diabolisation de M.Sarkozy au détriment de Le Pen et ça pour moi c’est très grave! On ne doit pas se tromper de « combat ».Merci pour tes explications en tout cas!

  10. pvdg dit :

    Entièrement d’accord avec toi, ghismo. Tu fais bien de dire que tu es informaticien. J’entends régulièrement insinuer que les militants contre les machines à voter seraient des technophobes. Quelle blague. La vérité, c’est que ceux qui les défendent n’ont rien compris sur l’ordinateur et surtout ne se sont pas posé la question essentielle de sa perception par l’ensemble des citoyens (et je pense d’abord au troisième âge). Bref, c’est leur technicisme (parallèle avec le scientisme) ou même leur techidôlatrie qui est risible et qu’il faut condamner. Comme toi, je suis passionné par l’informatique, mais j’en sais assez (justement) pour voir immédiatement que le scrutin, en démocratie, n’est pas du tout un domaine ou elle peut apporter quelque chose. Au contraire, le vote électronique implique la disparition du contrôle citoyen et son remplacement par le contrôle par délégation auprès d’experts. Pire, dans la pratique, on a remplacé en France le contrôle citoyen par un binz qui ne fonctionne pas. Voir à ce sujet le cas d’Issy-les-Moulineaux où des machines non-homologuées avaient été livrées et n’ont été remplacées qu’à la dernière minute quand ils ont compris qu’ils étaient repérés.

  11. Ghismo dit :

    pvdg < j'étais en train de réunir mes documents pour la rédaction de mon dernier post quand est arrivé fort à propos votre commentaire. La question est même plus large et se pose sur la nécessité même d'employer de telles technologies dans ce domaine. Car les objectifs poursuivis ne sont en soi franchement pas convaincants.Réduire les coûts : on voit bien que ce n’est pas le cas, je lisais un article qui, chiffres à l’appui, démontrait que la rentabilité du vote informatique ne se faisait qu’après 150 scrutins…Réduire les temps de dépouillement : pourquoi faire ? En soi déjà je ne vois pas où est la nécessité à sortir un résultat avec une, deux ou trois heures d’avance. D’autant que le dépouillement est confronté à l’émargement manuel ce qui prend du temps également. Et si c’est accélérer le dépouillement pour allonger le temps passé à voter, c’est globalement contre productif. Mais encore une fois, il n’y a pas à mon sens de productivité à attendre d’une élection.Economiser du papier : si c’est pour consommer de l’électricité à la place… et pourquoi pas utiliser des imprimantes à bulletins, ça réduirait sensiblement la consommation de papier.Améliorer l’accessibilité du vote : qu’on commence par faire des bulletins en braille et à vérifier que les lieux de votes soient accessibles à tous, on fera déjà un grand pas en cette direction…Quand au contrôle par délégation auprès d’experts, il n’est même pas possible puisque le code source est secret et tout est fait pour préserver ce secret ; les validations se font à priori sur un modèle de machine et non sur les machines une à une – d’après ce que j’ai compris, qu’on me corrige si je me trompe.Et ces validations portent sur des tests effectués depuis l’extérieur de la machine sans aller valider si la machine fonctionne effectivement, genre : si on appuie sur ce bouton, on nous dit que le vote a été pris en compte. Validé ? Rien ne prouve le contraire, validation passée.L’est-il véritablement, personne ne l’a jamais vérifié en dehors des techniciens du constructeur.Ayez confiance qu’on vous dit !

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